Les réserves du Vatican sur le synode allemand

30 September 2021, Hessen, Frankfurt/Main: Thomas Sternberg (m), President of the Central Committee of German Catholics, and Georg B'tzing (l), Bishop of Limburg and President of the German Bishops' Conference, open the Second Synodal Assembly of the Catholic Church. The German Catholics are in a reform process which they call the Synodal Way. At issue are the position of women, Catholic sexual morality, the use of power, and priestly celibacy. The Synodal Assembly is the decisive body of this process, at the end of which concrete reforms are to be made. Photo by: Arne Dedert/picture-alliance/dpa/AP Images

Narcisse Kouamé

Dans une lettre signée par le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin et approuvée par le Saint Père en date du 16 Février 2024, le Vatican a formellement mis un frein à l’évolution du processus synodal initié par l’Eglise Catholique en Allemagne en demandant un report de l’approbation du projet de comité synodal.

C’est en 2019 que l’Eglise Catholique en Allemagne a décidé de lancer les travaux d’un synode dont la physionomie semble être en opposition avec la configuration actuelle de l’Eglise Catholique. En effet, réunis du 19 au 22 février 2024 à Augsbourg, les évêques allemands et quelques laïcs s’apprêtaient à donner vie au comité synodal, une nouvelle instance de décisions . C’est justement sur la validité et la légitimité de ce comité que les divergences entre Rome et l’Eglise d’Allemagne apparaissent. Déjà en novembre 2023, le pape François avait dans une lettre souligner son inquiétude face au processus synodale en précisant que si un tel conseil synodal était approuvé il « ne peut pas être harmonisé avec la structure sacramentelle de l’Église catholique » et rappelait également que « sa constitution avait été interdite par le Saint-Siège dans une lettre du 16 janvier 2023 » peut-on lire sur le site du Vatican. Pour le journal le Figaro, le torchon brule déjà entre le Vatican et L’Eglise Catholique d’Allemagne car « c’est contraints et forcés par Rome que les évêques allemands ont dû suspendre de leur assemblée, en cours cette semaine à Augsbourg, le vote des statuts de comité synodal imposant aux évêques une cogestion des diocèses avec les laïcs »

En réalité, selon les dicastères romains une telle orientation ferait surgir des problèmes à la fois canonique et ecclésiologique. En effet, d’un point de vue canonique, il n’existe pas de comité synodal. Et d’un point de vue ecclésiologique, la figure de l’évêque semble être mis à mal par cette forme de collaboration. Selon Arnaud Join-Lambert, professeur de théologie à l’université de Louvain , la réaction de Rome n’est pas compréhensible car, ce que veut instituer la conférence épiscopale allemande n’est pas véritablement différent de ce qui est suscité et encouragé par le Synode romain sur la synodalité

Au fond,  cela reviendrai à dire que le processus synodal en Allemagne est une sorte d’imitation du synode universelle au niveau de la promotion de la coresponsabilité. C’est pourquoi pour Mgr Batzing, président de la conférence épiscopale allemande, il faut poursuive le processus synodal en Allemagne car, promouvoir la cogestion des diocèses avec les laïcs à travers de nouvelles instances de décisions plus contraignantes et plus transparente n’a rien d’étranger à la perspective synodale du pape François. Pour lui, il n’est pas question d’affaiblir l’autorité des évêques mais d’éviter de pérenniser un type de gestion qui a favorisé des abus dont souffre l’Eglise en Allemagne aujourd’hui.  Cependant, dans un esprit d’obéissance, sans pour autant abandonner leur point de vue sur la question, l’épiscopat allemand a décidé de retirer de son agenda le vote qui était prévue au cours de cette session d’Augsbourg. Tout ceci pour donner plus de chance à la discussion avec Rome et ne rien faire sans tenir compte des suggestions du Pontife Romain.

Plutôt que de créer de nouvelles structures qui augmenteraient inutilement la bureaucratie ecclésiale, la vision de l’Eglise serait plutôt de repenser les structures déjà existantes dans l’esprit du synode sur la synodalité. C’est ce que le nonce apostolique en Allemagne, Mgr Nikola Eterović, avait soutenu lors de l’assemblée plénière de printemps aux 65 évêques allemands réunis à Dresde. En ce sens, les échanges futurs prévus au Vatican entre la conférence épiscopale allemande et les membres de la curie romaine aideront certainement à mieux préciser la voie à suivre.  Rappelons que le chemin synodal en Allemagne porte sur des sujets comme le rôle des femmes, la morale sexuelle ou la vie sacerdotale.

Photo: Arne Dedert/DPA/AP