Les jeunes Français découvrent le Carême

Pierre-Paul Dossekpli

Une enquête publiée sur Le Figaro, et le NewsDay révèle un regain d’intérêt de la jeunesse pour le carême. Les propositions exigeantes du carême, comme Jeûne, prière, retraites, abstinence numérique, engagement solidaire semblent rencontrer du succès auprès de la jeunesse. Le Figaro parle d’un phénomène inattendu.

En effet, cette enquête, le carême est très tendance chez les jeunes catholiques. Cette pratique de privation de quarante jours, entre le mercredi des Cendres et le dimanche de Pâques, semblait révolue, mais la voilà qui retrouve vigueur dans cette génération pourtant nourrie à la corne d’abondance des biens matériels et à la facilité sans fin des applications numériques.

Il est noté que certains de ces « digital native » choisissent de délaisser les icônes électroniques, d’éteindre les écrans et de remiser les AirPods. Ils appellent cette ascèse passagère un « effort de carême », période où ils veulent se tourner vers la prière, se pencher sur une autre écoute, celle de Dieu, des autres, des sans-abris ou des personnes âgés isolées. D’autres, disciples hier du farniente et de l’insouciance, saisissent aujourd’hui le taureau par les cornes en engageant leur journée comme un combat exigeant contre eux-mêmes : douche froide, séance de sport, modération dans les plaisirs de la bouche et du corps, prière silencieuse.

Ils apparaissent plus radicaux que leurs aînés de la génération charismatique des années 1980. Réalistes, ils s’estiment deux fois minoritaires : dans une société postchrétienne où le catholicisme, s’il n’éveille pas l’indifférence, suscite le mépris et le dégoût après les scandales sexuels ; dans une société laïque, heurtée par un islam défiant la culture sans Dieu par une pratique publique, celle du ramadan, notamment.

A ce propos, Marguerite Durand, 24 ans, étudiante en droit et en histoire de l’art, prècise : « Le carême n’a rien à voir avec le ramadan !», dit-elle, alors que, dans l’aumônerie dont elle s’occupe, elle voit arriver des enfants de sixième qui définissent le carême comme « le ramadan des chrétiens ». Si la jeune femme veut vivre strictement son carême cette année, ce n’est pas par un effet collatéral du développement du ramadan en France, et encore moins par une observance passéiste, mais par un choix intime : « Le carême est un temps béni, un cadeau donné par Dieu pour se rapprocher de Lui. Cette année, je l’ai attendu », confie-t-elle.

Il a été constaté que ce combat spirituel sur ses forces et ses faiblesses intérieures n’empêche pas Marguerite de sourire. De beaucoup rire, même. Rayonnante, elle se sent ancrée dans sa foi chrétienne : « Je commence chaque matin par une demi-heure d’oraison, une prière silencieuse à partir d’un passage de l’Évangile. C’est fou, ce que cela change ! Je ne suis plus la même et je vois la différence entre les journées avec la prière et sans la prière. » Elle s’est aussi engagée à rencontrer chaque semaine un SDF ou une personne isolée et pratique le jeûne. « Je jeûne de mon smartphone, avec un minuteur sur certaines applis. Pour le jeûne alimentaire, je m’attache à bien le respecter : le vendredi, je prends un repas frugal et seulement deux petites collations. » L’argent ainsi économisé sera versé à une association caritative. Elle explique que « ressentir la faim dans son corps allège intérieurement et conduit à discerner là où notre cœur est endurci. Ces efforts de carême n’ont de sens que d’apprendre à reconnaître nos péchés pour recevoir le pardon de Dieu et mieux vivre de Lui.»

Même son de cloche pour Marin Saint Georges Chaumet, 24 ans. Il s’est engagé, lui aussi, dans une démarche musclée. Ingénieur conseil en numérique, il a renoué avec la foi catholique de son enfance après avoir pris ses distances à l’adolescence. Il perçoit aujourd’hui cette quarantaine comme un « don », une « bouffée d’air extraordinaire ». Il pratique le même protocole que Marguerite : une journée de jeûne hebdomadaire – qu’il vit ouvertement dans son milieu professionnel en déjeunant « au pain et à l’eau » -, une visite à des SDF, l’oraison quotidienne, un coucher « avant minuit, pour sept heures de sommeil effectives », le tout dans une « cordée » de quatre amis pour s’entraider.

Le père Thibaut de Rincquesen, diplômé de l’Essec, a dix ans de sacerdoce. Vicaire de la paroisse Saint-Germain-des-Prés, il est en charge de la pastorale des jeunes, mais aussi des vocations pour le diocèse de Paris. Ancien aumônier de la Sorbonne, il voit des centaines de jeunes, dont beaucoup ne sortent pas du moule catho mais sont issus de « chemins latéraux » qui entrent adultes dans l’Église pour demander le baptême. Selon le père Thibaut, il y a 25 % de demandes en plus cette année dans le diocèse de Paris, une tendance observée dans tous les diocèses.

La Provence indique que dans la communauté chrétienne de Marseille, des jeunes vivent le Carême différemment de leurs aînés. Plutôt que de se limiter au jeun alimentaire, ils préfèrent explorer d’autres voies pour se rapprocher du Seigneur. Pour leurs aînés, la signification du Carême est plus littérale. “Il faut jeûner comme nos parents nous l’ont appris. Surtout, ne pas manger de viande car c’est un symbole de richesse”, témoigne Danielle, 62 ans, en référence à la privation de Jésus lors de sa traversée du désert pendant 40 jours. Tenté par le diable, qui lui propose de la nourriture et du vin pour le détourner de son chemin, ce dernier préfère se concentrer sur la parole de Dieu. Les jeunes voient toutefois les choses autrement. “C’est assez différent de nos aînés car on fait le Carême à notre manière. Ils vont privilégier le jeune alimentaire mais nous, on va freiner sur d’autres choses. Ça peut être les jeux vidéo, le temps passé sur TikTok, ou encore diminuer un peu l’alcool que l’on consomme le soir entre amis“, postulent-ils.

Photo couverture: https://www.laprovence.com/article/region/1391382711483515/careme-ces-jeunes-marseillais-freinent-sur-les-jeux-videos-tiktok-et-lalcool-pendant-40-jours

Photo interieure: https://www.lefigaro.fr/actualite-france/le-careme-une-ascese-que-la-jeune-generation-applique-avec-un-regain-de-foi-20240306