Narcisse Kouamé
En France, selon une enquête du Centre Hubertine Auclert, conduite avec 302 femmes victimes de violences conjugales, 9 femmes interrogées sur 10 souffrent aussi de cyberharcèlement de la part du conjoint ou ex-conjoint.
Il est bien connu que les femmes sont souvent victimes de violences dans les familles, de la part de leurs partenaires. Mais ces dernières décennies, elles doivent faire face à un type de violence, plus pernicieux, plus subtile qu’est la cyberviolence qui est une forme de violence conjugale. A l’occasion de la célébration du 08 Mars 2024, célébration de la journée international des droits de la femme, la fédération nationale Solidarité Femmes a lancé, en France, une nouvelle campagne de communication pour sensibiliser sur ce fléau qui gagne de plus en plus de terrain. Pour la responsable de cette association qui milite en faveur du bien être des femmes, il s’agit de « montrer comment ces outils de modernité deviennent des outils d’emprise dans le cadre des violences conjugales », souligne-t-elle dans le journal le Figaro. La technologie s’invite ainsi au débat sur les formes de violences faites aux femmes. En effet, elles sont nombreuses à être surveillées à distance à travers des objets connectés comme les Airtag de Apple, des micros cachés ou encore des logiciels espions. L’accélération de l’usage de l’intelligence artificielle n’a pas épargné même les relations de couples. Fini donc les méthodes d’une époque où des détectives privés étaient engagés pour suivre ou surveiller des personnes. La cyberviolence conjugale survient aussi bien dans des relations normales que dans des relations où les conjoints sont séparés ou en voie de l’être.
En générale, les cas de cyberviolences peuvent se résumer à des violences physiques ou encore psychologiques. Et l’objectif de l’agresseur est sans aucun doute d’exercer un contrôle sur la victime précise la juriste Emilie Anese qui travaille pour le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles du Val-de-Marne. Parfois même, les enfants deviennent des instruments qui servent à épier le conjoint surtout à travers justement les objets connectés qu’ils possèdent. Selon certaines études, on peut recenser cinq types de cyberviolences conjugales . Le cyber-contrôle qui implique la surveillance des SMS, la restriction des interactions des victimes avec l’extérieur, l’exigence d’une preuve de localisation, l’accessibilité constante ou la confiscation du téléphone. Le cyber harcèlement quant à lui fait référence aux appels incessants avec injures et insultes, menaces de mort…La cyber surveillance consiste à traquer illégalement les mouvements via des logiciels espions, obligeant les victimes à partager des codes numériques (du téléphone, ordinateur, comptes bancaires, etc.). Les cyber-violences sexuelles impliquent la diffusion d’images intimes (ou menaces de le faire) ou encore le fait de contraindre le partenaire à filmer, sans son accord, les pratiques sexuelles. Quant aux cyber-violences économiques et administratives, elles font écho au piratage de comptes bancaires, la modification de mots de passe sans consentement, causant ainsi des dommages financiers.

En France, il existe un numéro, le 3919, une ligne d’écoute qui fonctionne 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 à disposition des femmes victimes de ce type de violence. Selon Aurore Lechat, la responsable de la structure qui s’occupe de la gestion de cette ligne téléphonique, sur environ 95.000 appels reçus en 2023 environ 2500 ont signaler des cyberviolences conjugales.
Face à tout cela, il est important de sensibiliser l’opinion publique comme le font déjà bons nombres d’associations mentionnées plus haut ; car beaucoup de femmes soit ignorent de subir ces violences ou encore ont peur de les dénoncer. A coté de cela, notons qu’en France comme dans d’autres pays, l’arsenal juridique permet de punir les diverses situations de cyberviolences. Par exemple, suivre son ou sa partenaire avec un Airtag sans son consentement est passible de 2 ans de prison et de 60.000 euros d’amende. Par ailleurs, pour rendre plus accessible le recours à la loi qui, quelque fois devient une aventure fastidieuse, Maitre Labruyère suggère le dépôt de plainte en ligne. Cela permettra certainement à un plus grand nombre de femmes de faire entendre leurs voix. Dans cette même optique, pour lutter contre le problème des cyberviolences conjugales, un des défis majeurs reste la formation des femmes à l’usage des moyens de technologie moderne. En effet, sans une réelle connaissance de ces outils, il sera difficile pour elles de se rendre compte d’une quelconque violation de leur liberté. Surtout qu’aujourd’hui avec la course à l’IA, les personnes disposent d’instruments de plus en plus performant qui, détourné de leur objectif, peuvent être utilisés comme des instruments de cyberviolence.
Crédit Photo: Hespress FR.