
Selon une étude menée par Sophie Demonceaux et Feirouz Boudokhane-Lima, toutes deux maitresses de conférences à l’université de Bourgogne Franche-Comté, auprès de familles en France, les parents sont confrontés à plusieurs défis dans leur expérience d’éducation de leurs adolescents à l’information et aux médias numériques.
A l’âge de la « désinformation » et du « fake news », l’angoisse est galopante chez les parents vis-à-vis des enfants qui ne sont pas toujours suffisamment armés pour faire la part des choses. C’est le cas d’Alyssa, mère d’une adolescente de 15 ans. « Sur la guerre en Ukraine, les premières informations qu’elle avait vues sur les réseaux, était assez flippant » révèle-t-elle. Dans ce contexte d’incertitude, Alyssa propose « ce qui se dit vraiment dans les sources sérieuses » confie-t-elle.
La question de « source » est aussi le cheval de bataille de Henri, père d’une fille de 14 ans et d’un garçon de 12 ans. Il soutient qu’il faut « Débriefer [avec ses enfants] sur la qualité, la validité ou pas de l’information qui circule » afin de déterminer ce qui peut être une fausse information. Richard, quant à lui, évoque comment il exhorte son fils à diversifier ses sources. « N’hésite pas à aller gratter certaines choses ailleurs pour vérifier que les propos sont vraiment justes, ne te concentre pas uniquement sur un seul site », dit-il.
Pour les parents, le dialogue est essentiel dans cette bataille éducative, dans le but de connaitre les habitudes informationnelles numériques de leurs adolescents. « On essaye de s’intéresser aux trucs qui l’intéressent et de discuter autour de ça, ses youtubeurs préférés, Michou [mais aussi] HugoDecrypte » déclare Rose, mère d’une adolescente de 14 ans.
Pour d’autres parents, les expériences informationnelles de leurs enfants deviennent des ouvertures pour aborder d’autres sujets. C’est le cas d’une maman dont la fille de 16 ans a visionné la vidéo d’un jeune homme qui a twerke dans une église. Cet épisode a donné lieu a une conversation autour des limites de la liberté d’expression en ligne.
Entre autres, l’étude a montré que « face à la diversité des pratiques juvéniles sur les réseaux, il est difficile pour les parents de connaitre l’ensemble des contenus consultés par leurs enfants et de les éduquer à toutes les formes de dérives potentielles ». La difficulté est d’autant plus grande puisque les parents « sont eux-mêmes confrontés à ses problématiques, considérées comme nouvelles et différentes de ce qu’ils ont pu expérimenter eux-mêmes dans leur jeunesse ». Il faut souligner que les « enquêtés appartiennent à la première génération de parents à devoir faire face aux pratiques numériques de leur enfants »
En dehors de l’attitude à adopter face à l’information, le souci des parents se portent aussi sur la présence même de leurs enfants en ligne. Il faut dire que « l’espace numérique constitue une nouvelle forme de journal intime, où l’intimité se confronte au regard des autres ». Il en découle des risques d’exposition de soi, le cyberharcèlement, les arnaques.
A propos de l’exposition en ligne, Jacques a expliqué aux enquêteurs « que son fils de 12 ans et demi publie deux sortes de vidéos sur YouTube ; les unes ludiques, les autres, éducatives. Il n’a cependant pas le droit de montrer son visage ». Même son de cloche pour Richard qui dit avoir « interdit à son fils de 14 ans de publier des photos permettant de l’identifier ».
Une constante qui ressort de l’approche des parents est le maintien du « dialogue pour faire comprendre à son enfant les risques encourus en cas d’utilisations malsaine de ces images », comme le souligne le rapport d’études. Pour Ines, mère d’une adolescente de 15 ans, la potentialité des outils numériques ne doit pas faire oublier la question des traces qu’ils laissent. Pour elle « c’est comme aller dans la rue et montrer une partie intime de vous, sauf que là il y aura toujours des traces ». Il se crée comme un « double numérique » de soi dont il faut prendre soin.
Le combat des parents dans la jungle numérique prend en compte, non seulement la protection de leurs propres enfants mais aussi celle de leurs amis. « Je lui explique qu’il faut à la fois faire attention a son image mais aussi à celle des gens », explique Alyssa. De même, Cindy, mère d’une adolescente de 16 ans et d’un adolescent de 12 ans, confie : « je leur dis attention à ce que vous écrivez, à ne pas blesser les gens et si en contrepartie c’est vous qui êtes blessés, il faut nous en parler ».
La question peut aussi tourner au drame. Salwa a raconté aux enquêteurs l’épisode du « réconfort et l’aide apportés à son fils de 13 ans ». Il s’agissait de « son meilleur ami [qui] voulait mettre fin à ses jours suite à la diffusion et la circulation à son insu d’un nude, montrant son sexe, dans tout le collège ».
La parentalité numérique est clairement une réalité aujourd’hui. C’est un paramètre qui s’installe dans la réalité familiale. Selon le Monde, la parentalité numérique intéresse plusieurs géant du numérique comme par exemple Meta qui à travers son Centre Familiale offre aux parents un arsenal de ressources pour comprendre et encadrer l’usage que leurs enfants font des plateformes du groupe, dont Instagram et Messenger. Cela pourrait aider les parents dans la définition d’une pédagogie éducative afin de permettre un usage équilibré des nouveaux outils de l’information.
Dans un monde où la technologie évolue rapidement, la parentalité numérique s’impose comme un enjeu crucial pour préparer les jeunes aux défis de demain. Cependant, les parents, eux aussi en apprentissage, sont conscients des limites de leur action face à des plateformes toujours plus diversifiées et complexes. Si en général, ceux-ci se montrent assez ingénieux sur la question, il est évident que le chemin est encore long pour arriver à une intégration harmonieuse de la technologie dans l’éducation des adolescents.